La baisse du niveau d’études des élèves/étudiants : causes, conséquences et perspectives
Le niveau d’étude est une référence au niveau de formation d’un individu. En d’autres termes, il est un indice qui permet de jauger si oui ou non la qualité des capacités intellectuelles d’un individu correspond à son niveau de formation. Il peut être évaluer à la hausse ou à la baisse. Depuis quelques années déjà au Gabon, on remarque que le niveau d’étude des apprenants (élèves/étudiants) va de plus en plus decrescendo pour diverses raisons. Cette situation qui devient comme une épine pour l’éducation gabonaise soulève des interrogations et emmène à repenser les choses. Aussi, est-il légitime de se questionner sur les origines ou les raisons directes/indirectes de cet état de fait. Quelles en sont les répercussions et comment envisager un avenir meilleur pour une école plus qualifiée ?
1. Causes
La baisse de niveau des apprenants gabonais prend source dans les secteurs d’activités inhérents à l’éducation gabonaise et touche autant le ministère que les agents sur le terrain.
- Le système éducatif : En faisant les éloges de la médiocrité, la politique ou le protocole éducatif qui définit et structure le système éducatif gabonais encourage à la paresse et au moindre effort. En effet depuis près de cinq ans, les mesures prises par le ministère de tutelle tendent au maximum à faciliter la formation des apprenants plutôt qu’à consolider leurs acquis, les poussant ainsi à se reposer sur leurs lauriers : les emplois du temps sont de plus en plus allégés ; les programmes scolaires laissent à désirer ; l’absence d’infrastructures qui favorise un effectif démesuré ; le manque de matériels didactiques adéquats ; le manque important d’enseignants dans les établissements de la capitale comme de l’intérieur du pays ; les sujets d’examens à l’exemple de l’épreuve de rattrapage de français du BEPC de l’année 2021 – 2022 qui était du niveau 5ème année du primaire, laissant penser que l’on fait tout pour favoriser même les plus fainéants ; l’irrégularité des visites des inspecteurs et l’inefficacité des conseillers pédagogiques. Le plus scandalisant avait été la révision de la moyenne de passage en classe supérieure il y a quelques années en arrière, quittant de 10 pour 09.
- Le laxisme des enseignants : Le corps enseignant ne saurait être exempté de la ‘’crise’’ dans laquelle se trouve aujourd’hui l’éducation. En effet, on observe chez ces derniers une largesse qui n’encourage pas à l’effort : l’absentéisme qui crée des enseignants fantômes qui n’apparaissent que rarement et ne permet pas que les programmes académiques arrivent ne serait-ce qu’à moitié ou à échéance ; la paresse qui les pousse à gaver les apprenants d’exposés et des corrections des cahiers, le marchandage financier et physique (moyennes sexuellement transmissibles) des notes qui désacralise l’effort et inculque à la corruption, l’appât du gain qui les poussent à se rabattre dans les cours préparatoires (prépas), réduisant au maximum leurs performances en classe et incitant les apprenants à recourir à leurs services.
- La démission des parents : Aujourd’hui, la démission des parents dans l’éducation de leurs enfants est alarmante. On est confronté à des parents tellement ‘’occupés’’ qu’ils ne veillent pas à s’enquérir de la fréquentation dans les établissements de leurs enfants et ne vérifient pas ce qu’ils consomment régulièrement sur les réseaux sociaux en termes d’informations ou d’éducation et cela engendre des enfants qui se pensent adultes car responsabilisés trop tôt et la perversion de la jeunesse.
- Le désintérêt des apprenants : Bien qu’étant des victimes du système, on ne saurait amputer une part de responsabilité aux apprenants. En effet, le désintérêt des élèves/étudiants matérialisé par le manque de passion, de motivation, d’effort au travail les rend hostiles à la formation. Aussi, l’on constate que nombreux sont ceux qui ne savent pas pourquoi ils se rendent à l’école, dans quel but ils le font et voient le Temple du savoir comme un passe-temps ou une excuse pour fuir les travaux domestiques.
2. Conséquences
Les conséquences de la baisse du niveau d’étude sont multiples et touchent majoritairement les apprenants :
- La fabrication des diplômés et non des intellectuels : On ne crée plus les intelligences mais des individus collectionnant les diplômes sans fondamentaux dans l’esprit
- Les grèves : Elles affectent autant les enseignants que les apprenants et créent les années académiques/universitaires rafistolées, à la limite du chaos
- Résultats alarmants aux différents examens : Ils se traduisent par un taux faible de réussite au premier tour, par la baisse du pourcentage d’admission. A l’exemple du BEPC de l’année 2021 – 2022 dont la moyenne nationale n’atteignait pas 11/20 pour les 22 863 candidats déclarés admis sur les 33 153 ayant pris part à l’examen.
- La désacralisation de la figure de l’enseignant : L’enseignant perd sa crédibilité car s’il n’est pas un gréviste, il est un absentéiste, un corrompu, etc.
- Le taux élevé des échecs scolaires, des abondons, de la délinquance juvénile, du chômage, des grossesses précoces, etc.
- L’absence d’une gouvernance de qualité qui répond aux attentes actuelles et aux urgences de l’éducation
- La faible coloration de l’offre de formation : La formation est restreinte à quelques domaines et donc n’est pas assez diversifiée et ne répond pas aux besoins du marché de l’emploi
3. Perspectives
L’école est le lieu qui par le commerce intellectuel qui le caractérise forme les individus performants et compétants qui seront les agents de la société de demain. Pour lui redonner ses lettres de noblesse au Gabon, il faudra :
- Réduire le sureffectif en construisant des établissements primaires, secondaires et universitaires
- Favoriser l’emploi des enseignants au chômage
- Instaurer les ateliers de formation pour les enseignants afin d’améliorer leurs compétences car il faut être bien formé pour mieux former
- Actualiser les programmes scolaires, les œuvres au programme, les méthodologies, etc. La science évolue et donc l’apprentissage des enfants ne doit pas être fonder sur des programmes vieux d’une décennie
- Organiser et institutionaliser les compétitions interclasses pour créer et vivifier la soif de l’excellence, créer des prix symboliques pour les élèves/étudiants brillants
- Donner aux enseignants la possibilité de créer des ateliers de travail afin de développer certaines aptitudes chez les apprenants qui ne sont toujours pas possibles dans une classe de cours classique
- Régulariser les inspections pédagogiques
- Créer des centres de formation diversifiés pour le suivi des jeunes déscolarisés ou en difficulté
Clarisse MABITI, Etudiante de Master I au Département de Littératures Africaines, parcours Littérature Gabonaise (UOB) et Ecrivaine Gabonaise.